Un jour, un homme – Mr Broke – a débarqué à Paimpol, venant de Guernesey, c’était au 18ème siècle: il était sans doute négociant, habitué à se déplacer, peut-être était-il dans le commerce des crustacés, ce qui expliquerait sa rencontre avec des pêcheurs de Loguivy.
Il se rendit compte que ces pêcheurs pêchaient au filet, lequel était constamment déchiré, vu les tas de rochers et de cailloux qui jonchaient leurs lieux de pêche: dépenses, perte de temps, bénéfice net en conséquence…
Mr Broke leur expliqua que les pêcheurs de son île – entouré des mêmes cailloux – avaient trouvé la parade: au lieu de filets, ils avaient mis au point un casier de bois dans lequel ils plaçaient des morceaux de poisson, de la boëte, pour attirer les crustacés gloutons, lesquels ne se faisaient pas prier pour tomber dans la nasse.
Nous pouvons supposer que Mr Broke promit de faire envoyer un exemplaire de cet engin et …fin de l’histoire pour notre personnage déterminant.
Un moment, une rencontre…captivante car elle va avoir des répercussions étonnantes pour l’île qui nous intéresse.
Les marins de Loguivy vont adopter le casier, finis les filets toujours à ramender, ils sont donc hardis et ne tarderont pas à “surpêcher”.
Le progrès au 19ème siècle a été spectaculaire en tous points…et, notamment, dans celui des transports, de la réfrigération même sommaire et des viviers.
Les crustacés étaient mieux pêchés, ils étaient mieux vendus…étaient de plus en plus rares.
Alors, les lougres des hardis marins allongèrent vers l’ouest – de Pâques à la Saint Michel, 6 mois environ,, vers la mer d’Iroise , Le Conquet, dans un premier temps, à Sein finalement, nous sommes dans les années 1840.
Petit à petit, les marins emmènent leur famille sur l’île – par caboteur ou le flambard “La Paix” – qui les loge quai Nord [futur quai des Paimpolais] , durant la saison, dans des greniers et sans doute pire encore. Au début, çà faisait aux îliens un petit pécule mais les hommes, toujours avec leurs filets…et leurs cailloux, voyaient à plus large horizon: ils venaient manger leur pain, et avec telle aisance! la solidarité naturelle céda vite la place à des heurts et des vexations, hausse inconsidérée des loyers, etc. procédés auxquels le Préfet dut lui-même intervenir pour ramener la raison…sous peine de la rédaction d’un cadastre et des impositions qui vont avec.
Mais, peut-être et même sans doute, les femmes de Loguivy mirent un terme à cette atmosphère “délétère”, la vie est la vie, des mariages “mixtes” se célébrèrent [En 1906, vivaient à Loguivy 33 personnes nées à l’île de Sein], les femmes apportèrent physiquement “leur pierre à l’édifice” lors de la construction de l’église…et revint la solidarité, le sentiment d’être une seule et même communauté, plus tard, des îliens feront le chemin inverse pour aller pêcher la coquille…
…Plus tard, dans les années 20, les hardis marins de Loguivy optèrent pour des bateaux plus forts, des sloups , des “bocks”, ils optèrent pour la langouste plus rentable et pour la Cornouaille anglaise, l’hiver, ils continueront la pêche au congre et à la raie, nous allons les quitter là, ils poursuivront leur réussite sur le plateau de Rochebonne, au fond du golfe de Gascogne, au Portugal. Après la Seconde Guerre, ils iront même en Méditerranée et jusqu’en Grèce.
Aujourd’hui, des liens entre “frères ennemis” se retissent avec émotion, ceux-ci doivent sans doute à chaque fois, quai des Paimpolais, porter un toast à Mister Broke qui avait débarqué à Paimpol, ce jour là…
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