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Photo du rédacteurGermain Malette

1886 – Clochemerle et autres susceptibilités à Ploaré

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Oh! que le verbe est cru de la part d’un sénateur, sa ténacité aussi…mais force doit rester à la Loi et la Raison…

 

LA LANTERNE 27 JUILLET 1886

UNE MUNICIPALITÉ EN BRETAGNE

Nous avons annoncé que M. Halna du Frétay, sénateur clérical du Finistère, avait été suspendu de ses fonctions de maire de Ploaré.

Nous trouvons dans le Petit Brestois le compte rendu d’une séance du conseil municipal de Ploaré, alors que M. Halna du Frétay était encore maire.

Ce tableau de mœurs municipales d’une petite commune réactionnaire en pleine Bretagne – est réellement bien curieux et mérite d’être rapporté :

La parole est au receveur municipal, qui explique que le budget étant en déficit de dix-huit cents francs, il croit nécessaire que le conseil vote les centimes additionnels nécessaires pour rétablir l’équilibre.

— Non, dit le maire.

MM. Thymen, Caradec., prennent la parole pour soutenir l’avis du receveur municipal.

— Vous êtes des c., répondit le maire.

M. Thymen : Mais trouvez alors un autre moyen d’équilibrer le budget ; pour nous il n’y en a pas d’autres, et nous insistons pour soutenir la proposition.

Le maire : Je vous répète que vous êtes des c.

M. Thymen : Voilà trois fois que vous le dites, la première était assez, la seconde était de trop, la troisième, n’est-il pas vrai ? passe les bornes. D’ailleurs nous sommes tous de cet avis.

A ce moment tous les conseillers lèvent la main pour appuyer l’affirmation de M. Thymen. – Je constate, dit ce dernier, et, je veux que le procès-verbal le note, qu’à l’unanimité moins une voix, celle du maire, les centimes additionnels ont été votés.

Le maire : Vous n’êtes pas le maire.

Réponse : Si je ne le suis pas, c’est que je n’ai pas voulu vous supplanter; aux dernières élections, j’avais tout le conseil pour moi.

Le maire : Ce n’est pas vrai, vous voulez faire des embarras, mais c’est moi qui avais la confiance du conseil.

— Eh bien, que les conseillers qui voulaient voter pour moi aux dernières élections se lèvent.

Quatorze conseillers indépendants se lèvent.

Le maire reste atterré.

5 — Puisqu’il en est ainsi, s’écrie-t-il, je donne ma démission après la séance.

Le calme revient et les délibérations continuent.

M. le maire annonce au conseil que le budget, revenu de la préfecture, porte une réduction d’appointements du secrétaire de la mairie, qui ne touchera plus que 250 francs au lieu de 550 francs.

M. Thymen : Je propose de voter la suppression du garde-champêtre..

Le maire se lève brusquement : Comment, et qui fera les commissions de mon château à la mairie, n’est-ce pas le service du garde ?

Réponse : Le garde-champêtre est l’homme de la commune, et son service est de la parcourir en tous sens.

Les conseillers en chœur : Et vous êtes assez riche pour vous payer des commissionnaires.

Eclat de rire général. Fureur du maire.

La séance est levée, tout le monde sort et le maire, que les conseillers ont déserté, se hâte de confier à un de ses amis qu’il ne donnera pas sa démission. En revanche, le secrétaire de la mairie donnait la sienne après une série de chicanes avec le premier magistrat de la commune.

Quelques jours après, le maire qui, depuis plusieurs années, d’accord avec les conseillers, avaient mis à la disposition de l’école des garçons, devenue trop petite, la salle de la mairie qui n’est employée que les dimanches où il y a réunion du conseil, emportait brusquement la clef de cette salle et refusait désormais d’y laisser entrer les élèves, et cela malgré les protestations de tous les habitants de Ploaré.

L’inspecteur primaire, le conseiller général se rendirent à l’école pour constater le fait et firent leur rapport en conséquence. Quinze jours après, le préfet envoyait sur les lieux pour y faire une enquête le conseiller de préfecture Buart, qui ne put obtenir communication des délibérations municipales.

Le maire se prétendait souffrant, le conseiller de préfecture devait comprendre que ni le maire ni son registre ne pouvaient se rendre à la mairie.

Il ne le comprit pas, et voilà pourquoi M. Halna du Frétay a été suspendu de ses fonction

 

Sur Monsieur du Frétay…

Extrait du « Dictionnaire des Parlementaires français », Robert et Cougny (1889)s.

HALNA-DUFRETAY (HIPPOLYTE-MARIE), membre du Sénat, né à Ploaré (Finistère) le 11 mai 1819, entra dans la marine en 1835, devint aspirant le 1er septembre 1837, enseigne de vaisseau le 1er décembre 1841, lieutenant de vaisseau le 8 septembre 1846, capitaine de frégate le 10 août 1861, capitaine de vaisseau le 7 mars 1868, et contre-amiral le 1er décembre 1877. Il eut, pendant plusieurs années, le commandement du vaisseau-école le Borda, fut promu commandeur de la Légion d’honneur le 3 août 1875, nommé major de la flotte à Rochefort en 1878, à Brest en 1879, et fut admis à la retraite, comme contre-amiral, en 1881. Il aborda alors la carrière politique. Le décès de M. Monjaret de Kerjégu ayant déterminé une vacance au Sénat pour le département du Finistère, il se présenta comme candidat conservateur monarchiste, et fut élu, le 5 novembre 1882, par 200 voix (385 votants). Il siégea à droite, se prononça notamment contre la réforme judiciaire, contre les ministères de gauche, et obtint sa réélection au renouvellement triennal du 25 janvier 1885, avec 590 voix (1,170 votants). L’élection des sénateurs du Finistère ayant été, après enquête, annulée, le 26 juin, par la majorité du Sénat, l’amiral Halna-Dufrétay dut se représenter devant le collège électoral, qui le renomma, le 26 juillet, ainsi que ses autres collègues invalidés. Il reprit sa place dans la minorité conservatrice, se prononça contre l’expulsion des princes, contre la nouvelle loi militaire, etc., et vota encore : contre le rétablissement du scrutin d’arrondissement (13 février 1889), contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse, contre la procédure à suivre devant le Sénat contre le général Boulanger.

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