Je vais réunir ici les quelques maigres documentations que j'ai pu conserver à propos des cacous qui, bien qu"éteints", portaient sur eux le malheur d'être descendants de personnes atteintes de la lèpre il y avait bien longtemps.
J'utilise WIX pour me permettre de joindre des documents Pdf téléchargeables.
Je joins deux pages du livre d'Henri BUFFET:
Article du Télégramme
Cacous ou caqueux, c'est ainsi que l'on désignait les lépreux et leur famille au Moyen-Âge, en Bretagne. Population mise à l'écart à l'origine pour cause de maladie, elle restera pendant des siècles stigmatisée dans la société bretonne. Le mot cacou viendrait du mot celtique « cakod » ou « cacod », « ladre » en français, c'est-à-dire lépreux. Il est pour la première fois employé en 1436 par Raoul Rolland, évêque de Tréguier. Il utilise le mot « cacosi » dans ses statuts. Ces derniers définissent les règles à respecter pour les lépreux et leurs familles dans les églises du diocèse. Ces directives les obligent notamment à se tenir dans la partie basse de l'édifice, derrière les autres paroissiens. À cette époque, la lèpre est déjà présente en Bretagne - comme dans le reste de la France - depuis plusieurs centaines d'années. Le pays connaît cependant une forte recrudescence du nombre de cas de lépreux entre les XIIe et XIIIe siècles. De nombreux combattants de retour des Croisades, ainsi qu'un grand nombre de pèlerins, rentrent contaminés de Terre Sainte et propagent la maladie dans l'Hexagone.
Des exclus de la société
Une ségrégation s'effectue car la maladie est contagieuse. Lorsqu'un malade est reconnu atteint par ce mal, il est exclu du reste de la communauté. C'est un véritable enterrement qui se déroule pour le malheureux. Un prêtre vient le chercher dans sa maison, il est conduit à l'église, recouvert d'un drap noir, comme un mort. On lui recouvre par trois fois la tête d'une pelletée de terre. Le prêtre lui donne l'extrême-onction et le déclare « sis mortuus mundo », c'est-à-dire « mort au monde ». Il lui dicte ensuite les règles qu'il devra dorénavant suivre : « Je te défends que jamais tu n'entres en foire ou en marchés, en compagnie de gens sains. Je te défends qu'on te voie hors de ta maison sans ton habit de ladre et ta tartelle, afin qu'on te reconnaisse ; et aussi que tu ne sois point déchaussé. Je te défends que jamais tu ne laves tes mains, n'y autre chose d'autour de toi, en rivière, ni en fontaine, n'y que tu n'y boives ; et si tu veulx de l'eau pour boire, puises-en en ton escuelle ou en ton baril... ». Le lépreux reçoit enfin son habit de ladre (une robe grise), ainsi qu'une crécelle qu'il doit agiter pour prévenir les passants et une écuelle. On le conduit dans une léproserie (encore appelée ladrerie, maladrerie, caquinerie ou madeleine), en marge de la ville ou du village, où l'ensemble de ses congénères sont rassemblés. Cette sorte de quartier éloigné du bourg possède généralement sa propre source, sa chapelle (dédiée la plupart du temps à saint Lazare ou sainte Madeleine) et son cimetière.
Une juridiction particulière
Les lépreux sont exclus ainsi que leurs familles. Les descendants, même s'ils ne sont pas malades, sont obligés de rester vivre dans les ladreries. En 1475, le duc François II de Bretagne ordonne dans un mandement que les cacous (les lépreux et leurs descendants) voyagent dans le duché en portant une pièce de drap rouge sur leur robe. Ils sont cantonnés au métier de cordier et n'ont pas le droit de labourer une terre autre que celle de leur propre jardin. Exclus de la société, les cacous dépendent d'une juridiction particulière. Depuis le concile de Lyon de 583, les lépreux sont placés sous la responsabilité de l'Église catholique. Les siècles suivants, les caquins sont exemptés d'impôts par l'État, mais doivent acquitter une rente versée à l'évêque (ils fournissent notamment les cordes pour les cloches des églises, ainsi que celles pour les exécutions des condamnés à mort). Ils sont considérés comme serfs de l'Église.
Des lépreux aux cacous
Les conditions matérielles des cacous ne sont pas forcément mauvaises. La Marine bretonne a, en effet, besoin de cordages pour ses bateaux et certains cordiers font fortune. Mais les cacous continuent d'être traités comme des parias, alors même que la lèpre disparaît du territoire dès la fin du XVIIe siècle comme le prouve un arrêt du Parlement de Bretagne. Ce texte confirme l'éradication de la maladie dans la région. Cependant, les cordiers restent discriminés par rapport au reste de la société. S'ils sont autorisés maintenant à assister aux offices dans les églises avec le reste de la population, ils sont obligés de se tenir au fond de l'édifice, derrière les autres hommes et femmes. Ils n'ont pas le droit de toucher aux saints sacrements, et une entrée spéciale, une porte dérobée sur le côté de l'église, plus basse que les autres, leur est dédiée (photo ci-dessous).
La mauvaise réputation des cordiers
Les cacous et leurs descendants ne peuvent se marier qu'entre eux, leurs enfants (parfois appelés « cordiers-natifs ») ne sont pas baptisés sur les fonts baptismaux, et sont inscrits en fin de registre des baptêmes, à l'envers, tout comme les enfants illégitimes. Il faudra attendre la Révolution pour que les cacous se libèrent totalement de l'autorité de l'église. Si la mémoire populaire oublie peu à peu le souvenir des lépreux, les préjugés restent vivaces jusqu'à la fin du XIXe siècle, parfois au-delà. Dans son « Voyage dans le Finistère » en 1795, Jacques Cambry évoque le mépris dans lequel on tient les cacous à Saint-Pol-de-Léon. Un demi-siècle plus tard, un boulanger d'Hennebont aurait perdu toute sa clientèle bourgeoise pour avoir épousé une cacouse. Jusqu'au milieu du XXe siècle, un cacou désignera en Bretagne une personne dont il faut se méfier..
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